
Saint-Michel d’Aiguilhe
Le bourg d’Aiguilhe, au Nord du Puy-en-Velay, s’inscrit dans le paysage pittoresque de cette ville, son rocher faisant écho à celui de Corneille qui le domine immédiatement au sud. Ce neck volcanique de 82 m, couronné par la chapelle Saint-Michel, est accessible par un escalier de 268 marches. C’est la forme en aiguille de ce rocher qui a induit le nom d’Aiguilhe, d’origine latine Aculea.
Jusqu’à la première moitié du XXe siècle, le Rocher était entouré de jardins, de prairies riveraines de la Borne. Sur les pentes bien exposées du coteau de Chosson cultivées en terrasses, poussait la vigne, propriété des familles aisées de la ville du Puy.
Aujourd’hui Aiguilhe est une commune résidentielle de 1600 habitants.
On doit la fondation du sanctuaire d’Aiguilhe au doyen de la cathédrale du Puy, nommé Truannus. L’évènement se passe dans la seconde moitié du Xe siècle, du temps de Godescalc, évêque du Puy et promoteur de l’essor du pèlerinage de cette ville ; Godescalc est, par ailleurs, attesté comme le premier pèlerin « français » à avoir visité Saint-Jacques-de-Compostelle. C’est ce même évêque qui consacra la chapelle le 18 juillet 961.
Truannus donne au chapitre de la cathédrale, sa chapelle ainsi que les biens qui l’entourent. De ce fait le chapitre devient possesseur d’Aiguilhe. Désormais il restera jusqu’à la Révolution, seigneur de la chapelle, de la seigneurie alentour, du bourg qui se développe autour de son rocher. Aiguilhe sera dotée de murailles à la fin du XIVe siècle, ce qui lui vaudra d’être citée sur la liste des « villes closes » du baillage du Velay.
La petite chapelle de Truannus, est construite selon un plan carré de 6 m de côté autour duquel se greffent trois absides, à l’Est, au Nord et au Sud. La voûte de son chœur était déjà ornée d’un décor peint que l’on peut encore contempler aujourd’hui. Sur un fond de ciel bleu, le Christ en Majesté est représenté face à l’Archange terrassant le dragon. Aux quatre angles de la voûte on découvre les quatre symboles des évangélistes.
Au XIIe siècle, face à l’affluence des pèlerins, une extension s’est avérée nécessaire, même si l’exiguïté du lieu rendait l’exercice complexe. L’architecte et les bâtisseurs ont développé un déambulatoire elliptique qui entoure une courte nef rejoignant le chœur de la chapelle primitive.
Cet agrandissement s’accompagne de la construction d’une tour-clocher, probablement à cinq étages. Détruit par la foudre en 1245, le clocher a été reconstruit au XIXe siècle sous les directives de l’architecte Mallay.
L’entrée aménagée au Sud-Est est ornée d’une façade sculptée exceptionnelle par ses représentations et sa polychromie. Prosper Mérimée, en la découvrant, l’a qualifiée de « bijou de l’architecture romane ». On y voit, représentée dans cinq niches, les bustes de cinq personnages : au centre, Dieu en majesté, bénissant de la main droite et tenant un livre à la main gauche. Dans la niche immédiatement à droite, la Vierge est représentée portant un vase. À sa droite, on reconnaît Jean avec un livre orné d’une croix. De l’autre côté, l’Archange désigne Dieu le Père ; enfin dans la dernière niche, à gauche, prend place saint Pierre, une clef dans la main droite et le livre à la main gauche.
Juste au-dessus, la porte est surmontée d’un linteau dans lequel sont sculptées deux sirènes affrontées, l’une à queue de poisson, l’autre à queue de serpent. Au-dessus du lobe central de l’arcade l’Agneau Pascal porte une croix, avec l’inscription « Agnus Dei ». Sur chacun des lobes latéraux s’inscrivent quatre personnages que l’on peut identifier aux Vieillards de l’Apocalypse. Ils tiennent une coupe dans leurs mains voilées.
La polychromie de cette façade est composée par l’alternance d’arkose de Blavozy, de marbre blanc, de briques rouges et de pierre noire bleutée issue d’un volcan proche.
Saint-Michel d’Aiguilhe est resté pendant des siècles un grand lieu de pèlerinage, qui s’intégrait avec celui de Notre-Dame du Puy. Des personnages illustres sont venus à Aiguilhe implorer la protection de l’Archange. C’est ainsi que les rois Charles VII, Louis XI et Charles VIII sont connus pour avoir fait l’ascension du rocher et, le dernier, pour avoir pris une collation en son sommet.
Le Rocher et la Chapelle sont aujourd’hui propriété de la commune d’Aiguilhe qui en assure la conservation. La chapelle a été classée « Monument Historique » en 1840. De nombreuses restaurations ont été pratiquées sur l’édifice aux XIXe et XXe siècles. En 1955, lors de l’un de ces chantiers, y furent découverts, dans une cache pratiquée sous l’autel majeur, de nombreux objets. La pièce maîtresse est un petit Christ reliquaire en bois polychrome du XIe siècle. Ce trésor est actuellement conservé dans une vitrine de la chapelle.
Depuis 2019, le Rocher est classé parmi les sites et paysages du patrimoine national. Modeste par sa dimension, la chapelle reste pour les visiteurs qui la découvrent au sommet de son rocher, un moment d’émerveillement. Cette impression tient à deux évidences :
- Le courage des hommes, soutenus par une foi solide, qui ont réalisé là un chantier monumental sur un site aussi inaccessible,
- Une parfaite harmonie entre l’œuvre de l’homme et le travail de la nature.
Puissent les siècles à venir encore inspirer les humains pour faire naître des créations qui enthousiasmeront leurs contemporains et les générations qui leur succéderont.